Le dernier soupir de la feuille d'érable
Il arrive qu’on reste accroché à une branche toute notre vie, simplement parce qu’on n’a jamais osé sauter.
Cette fable végétale m’est venue pendant un long silence forcé, loin d’Internet… et tout près de l’essentiel.
🍁 Le dernier soupir de la feuille d’érable
Par un après-midi d’été torride, deux feuilles d’arbre entament une discussion.
Feuille de frêne :
— Qu’est-ce qu’il fait chaud, c’est insupportable...
Feuille d’érable :
— Oui… et dire que nous sommes juste au-dessus de la rivière…
Feuille de frêne :
— Si on allait se baigner ?
Feuille d’érable :
— Tu es folle ! Si nous nous décrochons de la branche, nous ne pourrons jamais remonter !
Feuille de frêne :
— Oh… je n’y avais pas pensé.
Plus bas, une feuille d’olivier flottait joyeusement dans l’eau, sur le dos, se laissant bercer par le mouvement du courant.
— Eh, les filles ! Venez ! Qu’est-ce que vous attendez ? Elle est super bonne !
Les deux feuilles restaient sceptiques.
L’idée de ne plus pouvoir remonter dans leur arbre les terrorisait.
Elles voyaient pourtant bien toutes ces autres feuilles qui avaient osé faire le grand saut…
Elles s’amusaient, riaient, flottaient…
Mais la peur était toujours là.
Toutes les feuilles encouragèrent les deux tétanisées sur leur branche :
— Allez ! Venez, vous ne le regretterez pas !
Feuille d’érable :
— Mais nous ne pourrons plus rentrer chez nous !
Feuille d’olivier :
— Oh, ce que vous êtes casanières !
Feuille de frêne :
— J’ai une idée ! Je me laisserai doucement dériver vers la berge et j’attendrai que le vent souffle fort pour me remonter sur ma branche !
La feuille d’olivier applaudit.
Et encouragea la feuille de frêne à sauter !
Elle hésita un instant, puis se laissa glisser, doucement portée par la brise tiède.
Elle virevolta jusqu’à l’eau.
Elle sentit la rivière caresser ses nervures, puis la bercer doucement.
Le courant la portait avec une lenteur dansante et fluide.
Elle frôla de grosses pierres, croisa des araignées aquatiques, admira des papillons flamboyants, des fleurs aux mille couleurs sur les rives, des plantes, des insectes…
— Quel spectacle magnifique ! — s’écria-t-elle.
Elle fit la planche quelques instants, avec d’autres feuilles de passage qui partagèrent avec elle leurs aventures… toutes plus magnifiques les unes que les autres.
Puis elle repartit voguer au hasard, au fil de l’eau.
La feuille d’érable, elle, ne sauta jamais.
Malgré les encouragements.
Malgré les témoignages émerveillés.
Malgré l’appel discret du courant.
Chaque jour, des centaines de feuilles tentaient la grande aventure.
Elle ne les revit jamais.
S’étaient-elles perdues ?
S’étaient-elles échouées ?
Ou avaient-elles vécu leurs plus beaux instants ?
Les saisons passèrent.
La feuille d’érable restait là-haut, fidèle à sa branche.
Parfois, une pointe de regrets la faisait frissonner.
— Et si j’avais osé ?...
Les années passèrent encore.
Et puis un jour, elle vieillit.
La sève ne circulait plus.
Elle se dessécha.
Et tomba.
Elle s’échoua dans l’eau, mollement.
Trop faible pour en profiter.
Et ses derniers mots furent :
— Si j’avais su…
Il n’est jamais trop tard pour flotter un peu… tant qu’il reste du vent dans nos veines.
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